Organisations coordonnées & hôpital : vers un territoire numérique
Les outils numériques sont devenus un atout essentiel pour une collaboration efficace entre professionnels de ville, spécialistes et structures de santé publiques et privées. Sadia Ghulam, responsable du département Organisation des Soins de Ville à l’ARS Ile-de-France et Alexia Lapoussin, Référente des Organisations Coordonnées (ROC) à l’Assurance Maladie travaillent ensemble sur l’accompagnement des professionnels et l’animation de l’organisation des exercices coordonnés.
« Côté numérique, l’objectif est de mettre en avant les outils socles nationaux comme le DMP, Mon Espace Santé et la Messagerie Sécurisée de Santé et de faciliter leur prise en main par les CPTS, en fonction de leur projet de santé. Ils permettent aux professionnels de suivre leurs patients, et inversement, aux patients d’être acteurs de leur parcours de santé. Nous nous appuyons sur SESAN pour identifier les besoins, assurer les formations et sensibiliser aux bonnes pratiques » expliquent-elles de concert.
Le bon outil, au bon moment, pour la bonne personne
De nombreux projets numériques sont actuellement portés par des CPTS, et si elles devaient en tirer un fil rouge, c’est que « c’est l’usage, individuel et collectif, qui facilitera le parcours du patient et la collaboration entre les professionnels ». Mais comment s’y prendre ? Il est important de « positionner l’outil numérique au bon endroit du projet et de ne pas seulement l’envisager à la fin, de définir ses besoins, ceux des personnes concernées, et de repérer ensuite, parmi tous les outils disponibles, lequel va répondre au mieux à la demande. »
Le sujet RGPD n’est pas non plus à prendre à la légère. Les professionnels sont responsables du traitement des données qu’ils recueillent. Ils doivent être en mesure d’identifier parfaitement les principes règlementaires qui les régissent. C’est primordial pour « le lien de confiance entre eux et le patient » et l’Assurance Maladie comme l’ARS y sont attentives et proposeront prochainement un webinaire dédié.
« Enfin, s’il y a bien un domaine qui pose question, c’est celui des annuaires », reconnaissent-elles. Comment connaître l’offre de son territoire et se faire connaître de ses partenaires ? Plusieurs outils et fonctionnalités peuvent répondre au besoin : le ROR, le service régional de cartographie Santégraphie, la solution ATOMES, plateforme de création de site internet pour les CPTS, …
Quoiqu’il en soit, l’engagement des CPTS dans le numérique est une avancée dans la communication Ville-Hôpital. Une campagne d’accompagnement est actuellement lancée auprès de plus 70 établissements pour améliorer la qualité de la lettre de liaison de sortie, document clé dans la continuité de la prise en charge des patients.
La téléconsultation, une solution pour les patients sans médecin traitant
Preuves en sont les témoignages des professionnels venus partager leurs nouveaux modes d’organisation. Le Dr Lorenzo Macieira, médecin et président de la CPTS du Grand Versailles, en est persuadé : « Il peut y avoir une adhésion rapide au numérique quand on a la certitude que c’est le bon outil et le bon usage ». Il raconte notamment comment la CPTS réussit à trouver des médecins traitants à des patients qui n’en avaient pas jusque-là. Plus de 600 patients ont d’ores et déjà été vus grâce à un système de téléconsultations assistées et l’usage de Mon espace Santé. Que ce soit à la demande d’un hôpital qui sollicite l’intervention auprès d’une personne polypathologique en sortie d’hospitalisation et incapable de se déplacer, ou à celle d’une famille ou d’un EHPAD, la CPTS peut agir dans les 24 heures. Une infirmière formée se déplace et gère la téléconsultation avec le médecin à distance avec l’appui d’une intelligence artificielle transcriptrice. « La demande explose et les patients, quel que soit leur âge, accrochent. C’est extraordinaire ! » se réjouit-il.
Des « consultations augmentées » avec une valise d’outils connectés
Dans le 12ème arrondissement aussi, le Dr Jean-Luc Thomas, médecin généraliste, a fait le constat d’une pénurie de professionnels de santé. « Face à une population vieillissante et aux difficultés de stationnement, nous essayons d’optimiser le maillage existant d’infirmiers à domicile en coordonnant nos exercices. » La solution imaginée ? Mettre à disposition des infirmiers une valise d’outils connectés pour réaliser des « consultations augmentées ». Le projet CPTS Connect utilise 7 valises, réparties sur le territoire et connectées à une plateforme de recueil et consultation de données. « Un relationnel nouveau s’installe : le patient est très heureux d’accéder à un médecin traitant et, là encore, en gagnant du temps, le médecin peut s’ouvrir à de nouveaux patients » confie le Dr Thomas.
Côté hospitalier aussi, la télésanté fait des émules. L’Hôpital de Forcilles dans la Seine-et-Marne par exemple, utilise la télémédecine et certains outils connectés pour l’alimenter en données : pompe à insuline, suivi de l’apnée du sommeil… Le Dr Denis Pereira en témoigne : « le professionnel requérant comme celui requis sont rémunérés. Le suivi à distance et les données recueillies permettent aux professionnels de proposer une consultation présentielle si le besoin s’en fait sentir ».
« Que ça marche vite ! »
Bien sûr, l’adoption de la e-santé peut prendre du temps. Pour Yvan Tourjansky, membre de la CPTS de Meudon et président de l’URPS Kiné Ile-de-France, « en tant que professionnel de santé, nous sommes tous surbookés. Se lancer demande d’investir du temps, et pour certains, c’est déjà parfois compliqué de faire marcher la caméra de son PC. » Il faut donc des outils simples et facile d’accès, « que ça marche vite ! » Il peut aussi y avoir des freins psychologiques comme l’approche jugée parfois trop commerciale des acteurs privés qui développent des solutions e-santé. Quoiqu’il en soit, si un sujet le mobilise, c’est encore celui des annuaires. « Les CPTS doivent avoir un annuaire à jour pour mobiliser les professionnels dans leurs compétences. Ces outils numériques sont très importants, on l’a vu lors de la gestion de la crise Covid » explique-t-il. C’est d’autant plus vrai pour la kinésithérapie constituée de nombreuses spécialités. « Qui va à domicile ? Qui prend en charge les problèmes respiratoires ? Aujourd’hui, le patient est perdu dans l’offre. Nous attendons beaucoup du ROR » conclue-t-il.
Et demain ? Les questions de la data, de l’intelligence artificielle, de l’éthique questionnent évidemment tous ces professionnels. Et celles de l’ergonomie et de l’interopérabilité les préoccupent. Mais au fond, comme le dit si bien le Dr Lorenzo Macieira : « L’objectif, c’est le patient. Toujours le patient. »
REPLAY :
INTERVIEW Dr LORENZO MACIEIRA :
Intervenants de la conférence :
– Mme Sadia GHULAM, Responsable du département Organisation des Soins de Ville (Direction de l’Offre de Soins), ARS Île-de-France
– Mme Alexia LAPOUSSIN, Référente des Organisations Coordonnées (ROC), Assurance Maladie (IDF)
– Dr Jean-Luc THOMAS, Médecin Généraliste, CPTS Paris 12
– Dr Lorenzo MACIEIRA, Président, CPTS du Grand Versailles (78)
– M. Yvan TOURJANSKY, CPTS de Meudon, Président de l’URPS Kiné IDF
– Dr Denis PEREIRA, Médecin Généraliste, Hôpital de Forcilles (77)
